La flore vasculaire du nord - pas de calais : diversité et menaces

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- Diversité et originalité de la flore du Nord - Pas de Calais

-Une flore menacée

-Les plantes disparues

-Une flore protégée

-Et demain ?

-Des gestionnaires pour les espaces naturels

Diversité et originalité de la flore du Nord - Pas de Calais

La flore vasculaire sauvage (fougères, prêles, lycopodes, conifères, dicotylédones et monocotylédones) de la région Nord - Pas de Calais compte, tous statuts d’indigénat confondus, environ 2000 espèces. Si l’on soustrait les plantes échappées de culture (subspontanées), naturalisées ou adventices, le nombre de plantes vasculaires indigènes est d'environ 1250 espèces. La Picardie voisine en compte environ 1450 et la Haute-Normandie environ 1330. Le seul département des Hautes-Alpes héberge 2567 espèces (CHAS, E., 1994), et celui de la Drôme 2385 (GARRAUD, L., 2003) alors que pour l’ensemble de la France, on estime le nombre d’espèces de la flore sauvage indigène à environ 5000. Cette faible richesse floristique, face à la flore des régions méditerranéennes ou alpines n’est pas endémique de la région et est assez comparable à celle des régions de plaines voisines et plus généralement à celle des pays voisins (Belgique, Pays-Bas…). Elle est en effet le reflet de la longue histoire du climat de cette partie de l’Europe, où, pendant les glaciations du Quaternaire, une grande partie de la flore a été éliminée de ces régions.

Malgré cette relative pauvreté, la flore du Nord - Pas de Calais n’en est pas moins originale. Les différents milieux de vie qu’offre cette région permettent à une flore spécifique de s’y développer. La Violette de Curtis (Viola curtisii), est l’emblématique Pensée des dunes, choisie comme logo par la Société de Botanique du Nord de la France. Le Nord - Pas de Calais représente le bastion de l’espèce en France. Le Liparis de Loesel (Liparis loeselii) et l’Ache rampante (Apium repens) figurent parmi les curiosités botaniques pour lesquelles le Nord - Pas de Calais a une responsabilité particulière envers l’Europe pour leur conservation. L’Obione pédonculée (Halimione pedunculata), petite plante argentée annuelle du littoral, n’est présente en France qu’au Mont Saint-Michel et sur le littoral du Nord - Pas de Calais et de Picardie. Les espèces aquatiques sont aussi très représentatives de la flore de cette région, richement irriguée par de grandes rivières et leurs nombreux affluents. On y trouve les 2/3 de la flore aquatique indigène en France ! Le Stratiote faux-aloès (Stratiotes aloides), introduit à l’origine, est encore abondant dans l’Audomarois. C’est aussi là que subsistent le Potamot des Alpes (Potamogeton alpinus) et l’Œnanthe fluviatile (Oenanthe fluviatillis).

Les dunes hébergent des espèces aquatiques et amphibies rares en France dans les dépressions oligotrophes humides alimentées par les eaux pluviales, comme le Potamot graminée (Potamogeton gramineus) et la Littorelle des étangs (Littorella uniflora). Les forêts hébergent aussi leurs curiosités botaniques : la Gagée à Spathe (Gagea spathacea), qui n’est connue qu’en deux régions, présente sa plus importante population française à deux pas de Bavay. Les coteaux sont intéressants pour leur flore thermophile même s’ils n’ont pas la diversité des pelouses calcicoles de régions plus méridionales. De nombreuses espèces sont, dans notre région, en limite septentrionale de leur aire de répartition sur les escarpements de l’Artois, comme l’Hippocrépide en ombelle (Hippocrepis comosa). La Gentianelle amère (Gentianella amarella) des pelouses du Cap Blanc-Nez est une des grandes raretés françaises de cette flore calcicole.

Une flore menacée

Comme dans toutes les régions du monde et particulièrement là où la population humaine atteint des densités extrêmes (319 habitants au km² contre 104 en moyenne nationale en 1990 – Atlas Nord – Pas-de-Calais, 1995), la flore subit d’importantes régressions, qui à terme aboutissent à l’extinction de nombreuses espèces végétales. Les causes de régression (voire de disparition) de la plupart des espèces sont bien connues dans l’ensemble. Elles correspondent la plupart du temps à des modifications écologiques fortes affectant leurs habitats. L’eutrophisation excessive et généralisée des bassins versants (agriculture intensive, pollutions urbaines et industrielles) a entraîné une diminution importante des populations d’espèces inféodées aux sols ou aux eaux pauvres en éléments nutritifs (azote et phosphore notamment). Ces derniers favorisent en effet la croissance d’espèces banales exerçant une concurrence vis-à-vis des espèces caractéristiques des milieux oligotrophes ou mésotrophes. On voit ainsi la Zannichellie des marais (Zannichellia palustris subsp. palustris) remplacer progressivement la Renoncule en pinceau (Ranunculus penicillatus) dans les cours d’eau de l’Artois.

Les phénomènes de pollutions diverses (hydrocarbures, produits chimiques, métaux lourds...), volontaires ou non, sont heureusement plus localisés (alors que le nombre d’établissements à risques est très important dans la région) mais le spectre d’une importante marée noire semble peser plus que jamais sur notre littoral. L’urbanisation, l’industrialisation (implantation d’usines, exploitation de carrières...) et la construction d’infrastructures de transport (autoroutes, voies ferrées, canaux) sont préjudiciables à un très large éventail de milieux et d’espèces rares et menacés (impacts directs ou indirects tels que la modification du fonctionnement hydrologique, la rudéralisation des abords routiers…). Les espèces commensales des cultures (messicoles) ont en outre souffert directement de l’utilisation généralisée des produits phytosanitaires. Elles ne subsistent le plus souvent qu’en populations très réduites et fragmentées, en bordure de quelques champs où l’influence des herbicides est plus limitée. Certaines ont trouvé dans les gares ou les friches industrielles des milieux de substitution mais ces populations sont souvent éphémères. Les espèces prairiales sont également souvent victimes de l’échardonnage chimique ou de l’emploi d’herbicides « anti-dicotylédones » employés largement, y compris sur les bords de route. Cette régression ne touche bien sûr pas que les espèces rares. Les populations sauvages de trèfles (Trifolium pratense…), de marguerites (Leucanthemum vulgare) ou de centaurées (Centaurea jacea s.l.) sans être devenues rares dans l’acception utilisée dans ce guide, voient néanmoins leurs effectifs s’amenuiser. Parmi celles-ci figurent à coup sûr les espèces menacées de demain. Les milieux humides ont subi les contrecoups des drainages intensifs ou de leur transformation : exploitation de tourbe (abandonnée aujourd’hui), développement de l’industrie minière au XIXe siècle, aménagement d’étangs de loisirs, plantation de peupliers, ou plus radicalement encore, comblement pur et simple. Malgré les nombreuses alertes, la large information diffusée dans tous les médias et les catastrophes ou effets induits par ces atteintes (inondations et paradoxalement amenuisement de la ressource en eau), on constate encore chaque jour dans notre région la disparition de zones humides ! Les espaces traditionnellement exploités dans le cadre d’activités agropastorales extensives (landes, pelouses calcicoles, prés de fauche, marais pâturés ou fauchés pour la litière et l’alimentation du bétail...) sont aujourd’hui soit à l’abandon, avec comme conséquence le reboisement spontané et la disparition des espèces caractéristiques de ces milieux ouverts, soit ont connu une intensification des pratiques (utilisation d’engrais, amendements, intensification du pâturage, mise en culture, sursemis, boisement).

Le développement du tourisme a également un impact important sur la flore sauvage. On pense particulièrement à la pression touristique supportée par le littoral en période estivale (falaises, dunes) mais le développement du « tourisme vert », quoique plus diffus, peut également nuire lorsqu’il implique la création de nouvelles infrastructures ou l’aménagement de celles existantes (plans d’eau, multiplications des chemins - pistes cyclables et équestres en particulier -, bases de loisirs, golfs...). La cueillette et l’arrachage de certaines plantes, surtout lorsqu’elles sont liées à des pratiques commerciales (Muguet, Jonquille, Lilas de mer, salicornes), constituent pour quelques espèces décoratives ou culinaires une cause de raréfaction ; on citera encore le Panicaut maritime (Eryngium maritimum). La confection d’herbiers, même si on peut considérer aujourd’hui cette activité comme à peu près négligeable, a contribué à la régression, voire à la disparition de plantes très localisées. L’exploitation des terrils et la requalification des friches minières est aujourd’hui préjudiciable à plusieurs espèces sauvages inféodées à ces milieux secs qui constituent parfois leur seul refuge dans la région. Un phénomène peu connu du public est l’extension parfois très rapide et spectaculaire de plantes exotiques qui se naturalisent dans nos régions. Certaines concurrencent fortement la flore indigène, notamment dans les milieux palustres et aquatiques (mais tous les milieux sont potentiellement affectés). Enfin, nous mentionnerons les problèmes de « pollution génétique » induits par l’introduction, à des fins ornementales ou paysagères (notamment dans le cadre d’opération de végétalisation ou de « renaturation » d’espaces dégradés ou anthropiques) d’espèces indigènes mais dont la souche multipliée et commercialisée est différente de celles des populations locales. L’impact des croisements entre souches introduites et souches sauvages est encore très mal connu mais constitue une menace potentielle d’autant plus grave sur le plan de l’altération de la diversité biologique, qu’elle est peu perceptible (perte de diversité génétique). La fragmentation des milieux de vie est une autre cause de régression qui peut aboutir à l’extinction de certaines espèces végétales. En effet, de nombreuses populations végétales, comme les populations animales, sont interconnectées et échangent des individus. Cette interconnexion permet par exemple de pallier la régression d’une population par l’arrivée de nouveaux individus d’une population excédentaire. Lorsqu’une population est isolée des autres, les risques d’extinction sont beaucoup plus forts en cas de régression du nombre d’individus qui la composent. Ce risque est très difficile à apprécier dans la réalité mais il n’en constitue pas moins une menace bien réelle. Les aménagements routiers qui coupent les voies de migration de la faune terrestre, auxiliaire indispensable à la propagation de nombreuses graines, les grands espaces agricoles dépourvus de fleurs pour les insectes butineurs qui transportent le pollen de nombreuses espèces végétales ou les stations balnéaires qui segmentent les cordons dunaires sont autant de barrières empêchant ou réduisant les échanges entre populations végétales.

Le Conservatoire botanique national de Bailleul cherche à évaluer le degré de raréfaction et de menace pour chaque espèce de la flore régionale (concerne ici les Ptéridophytes et les Spermatophytes). La définition d’un coefficient régional de menace des plantes sauvages doit s’appuyer sur de nombreuses connaissances préliminaires :
- le statut d’indigénat (le statut de menace est appliqué aux seules plantes indigènes ou naturalisées à grande échelle),
- la fréquence actuelle des plantes sauvages (coefficient régional de rareté calculé à partir des cartes de distribution),
- l’état des populations (appréciation du nombre d’individus),
- la régression ou propagation depuis la fin du XIXe siècle (en s’appuyant sur les publications anciennes et les herbiers historiques régionaux),
- la fragilité des habitats de la plante.

La typologie et la définition des critères de menace à l’échelle régionale suivent la méthodologie proposée par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN 2003).
-EX = taxon éteint sur l’ensemble de son aire de distribution (aucun cas dans le Nord-Pas de Calais).
-EW = taxon éteint à l'état sauvage sur l’ensemble de son aire de distribution (aucun cas dans le Nord-Pas de Calais).
-RE = taxon disparu au niveau régional.
-CR* = taxon présumé disparu au niveau régional (valeur associée à un indice de rareté « D? »).
-CR = taxon en danger critique.
-EN = taxon en danger.
-VU = taxon vulnérable.
-NT = taxon quasi menacé.
-LC = taxon de préoccupation mineure.
-DD = taxon insuffisamment documenté.
-NA = évaluation UICN non applicable (cas des statuts A, S, N et Z et des taxons indigènes hybrides)
-NE : taxon non évalué (jamais confronté aux critères de l’UICN).
-# = lié à un statut « E = cité par erreur », « E ? = présence douteuse » ou « - ?? = présence hypothétique » dans le Nord-Pas de Calais.

On voit sur le graphique ci-dessus que seule la moitié des espèces de fougères et plantes à fleurs indigènes peut être considérée comme non menacée à long terme (LC). Près d’un quart d’entre elles est a contrario menacée à court ou moyen terme (CR*, CR, EN et VU).

Les plantes disparues

L’analyse de la littérature ancienne et des herbiers historiques nous renseigne sur la présence d’espèces, sous-espèces, variétés (on utilisera plus loin, pour simplifier, le terme « taxon ») qui n’ont pas été revues depuis plusieurs dizaines d’années. Dans quelques cas, la destruction de la dernière population connue a pu être constatée sur le terrain. L’expérience montre cependant qu’il faut rester très prudent quant à l’affirmation de la disparition complète d’une plante sur un territoire (notamment en raison de la pression d’inventaire insuffisante et du potentiel de restauration à partir de la banque de semences du sol). Ainsi, la Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris), dont la dernière mention datait de 1804, a été retrouvée en 1992 à la suite de recherches intensives. Deux pieds du Dryoptéride à crêtes (Dryopteris cristata) ont été revus en 1994 alors que la plante était présumée disparue de longue date. Plus récemment, les deux rhynchospores (Rhynchospora alba et R. fusca) sont ainsi réapparus à la suite de travaux de restauration écologique après une éclipse de plus de vingt ans sur un site pourtant régulièrement visité. Cependant, cette réserve étant faite, on peut considérer que dans la région Nord - Pas de Calais, 114 espèces indigènes peuvent être aujourd’hui considérées comme disparues ou présumées disparues, soit environ 7 % de la flore régionale indigène. Le tableau présenté en suivant ce lien indique, pour chaque taxon, la date présumée de dernière observation dans la région (pour les données anciennes, ces dates correspondent à la date de publication plutôt qu’à une date réelle d’observation).

Le graphique ci-dessous informe sur les proportions relatives de disparition d’espèces en fonction de leur écologie selon la typologie très simplifiée utilisée dans cet ouvrage. On trouvera dans l’annexe le grand type de milieu auquel chaque plante a été rattachée (parfois un peu arbitrairement lorsque la plante était présente dans différents milieux).

On voit que ce sont, par ordre d’importance, les cultures et les espaces anthropisés (27 %), les milieux acides (20 %), les zones alluviales (17 %) et les milieux calcicoles (14 %) qui ont accusé le plus grand nombre de disparition d’espèces végétales. Les milieux littoraux (dunes, falaises, prés salés), tourbeux alcalins et bocagers ont en revanche perdu relativement peu d’espèces.

Une flore protégée

Face à cette érosion du patrimoine végétal sauvage, des mesures réglementaires ont été prises. La législation en matière de protection de la flore s’appuie essentiellement sur la loi du 10 juillet 1976 (« Loi de Protection de la Nature ») et la réglementation issue des arrêtés successifs parus au Journal officiel. On citera principalement :
- l’arrêté du 20 janvier 1982 (J.O. du 13 mai 1982) modifié par l’arrêté du 31 août 1995 (J.O. du 17 octobre 1995), qui dresse la liste des 434 espèces végétales protégées sur l’ensemble du territoire national. Y sont notamment incluses les espèces végétales présentes en France inscrites à l’annexe IVb de la directive européenne 92/43 dite « Directive Habitats » et celles de l’annexe 1 de la Convention de Berne ;
- l’arrêté du 1er avril 1991 (J.O. du 17 mai 1991), qui fixe la liste des espèces végétales protégées en région Nord - Pas de Calais, complétant la liste nationale.

Respectivement, ce sont 19 espèces et 3 sous-espèces ou variétés ainsi que 149 espèces et 5 sous-espèces qui sont concernées dans le Nord - Pas de Calais par ces deux arrêtés.

La réglementation vise dans son objet à « prévenir la disparition d’espèces végétales menacées et permettre la conservation des biotopes correspondants ». Elle complète ainsi l’arsenal juridique relatif à la protection des espaces (Parcs nationaux, Réserves naturelles nationales, Arrêtés préfectoraux de protection de biotope et Réserves naturelles régionales ainsi que les acquisitions du Conservatoire du littoral et des départements – Espaces Naturels Sensibles principalement). Elle interdit notamment « la destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement, le colportage, l’utilisation, la mise en vente, la vente, l’achat de tout ou partie des spécimens sauvages des espèces citées à l’annexe I » et réglemente « le ramassage ou la récolte, l’utilisation, le transport, la cession à titre gratuit ou onéreux » de celles citées à l’annexe II. On notera que, contrairement à une confusion fréquente, la protection des espèces végétales par l’annexe I de l’arrêté de 1982 (les espèces « protégées en France ») et par les arrêtés fixant les listes d’espèces protégées dans les différentes régions françaises (l’arrêté de 1991 pour le Nord - Pas de Calais) a la même portée juridique, seul le territoire sur lequel les arrêtés s’appliquent étant différent. Cette législation est en principe très contraignante. L’examen rétrospectif de l’application de la loi sur le terrain aura malheureusement montré de nombreuses limites et exceptions. Il faut par ailleurs souligner que cette loi ne permet de protéger la flore que vis-à-vis de destructions directes alors que les menaces diffuses et les causes indirectes (intensification agricole, assèchement des zones humides, gestion inadaptée des milieux de vie) jouent un rôle majeur dans la destruction et la disparition de nombreuses stations d’espèces végétales protégées. En outre, des dérogations préfectorales sont de plus en plus régulièrement accordées, en général assorties de mesures compensatoires, afin de permettre la réalisation de nouvelles infrastructures (axes de communication, urbanisation, implantations industrielles ou commerciales…).

En plus de ce dispositif, le législateur dispose d’un outil de réglementation du ramassage, de la récolte et de la cession de certaines espèces végétales dont la liste est fixée par l’arrêté du 13 octobre 1989. Dans chaque département, le Préfet peut donc interdire ou limiter les conditions de la cueillette de ces espèces végétales. Dans le Nord - Pas de Calais, deux espèces sont concernées par cette protection : le Narcisse faux-narcisse (Narcissus pseudonarcissus subsp. pseudonarcissus) sur l’ensemble du territoire régional et le Statice commun (Limonium vulgare) sur la commune d'Étaples (Pas-de-Calais).

Signalons enfin pour mémoire la Convention de Washington et le règlement de la communauté européenne précisant son application. Le présent ouvrage ne prend pas en compte les espèces inscrites à cette convention qui ne constitue pas une réelle protection vis-à-vis de la destruction mais porte uniquement sur le commerce international de ces espèces. Toutes les orchidées présentes dans Nord - Pas de Calais sont inscrites à cette convention.

Et demain ?

Les statistiques de la flore sauvage du Nord - Pas de Calais, tout comme celles sur les régions voisines mettent en exergue la très grande banalisation de nos paysages depuis maintenant environ deux siècles et demi. Que des espèces végétales aient disparu du Nord - Pas de Calais est une évidence. Que des espèces nouvelles soient apparues n’en est pas moins vrai, même si dans ce cas, la pression d’observation moindre, et plus hétérogène au XIXe siècle qu’elle ne l’est aujourd’hui, laisse subsister un doute. La qualité du patrimoine floristique d’une région et plus encore sa représentativité par rapport aux conditions naturelles qui y règnent (histoire, géologie, climat, pratiques agropastorales…) ne se réduisent pas à une somme de chiffres. Ainsi, il est possible que le nombre d’espèces végétales recensées par les botanistes du XIXe siècle soit inférieur à celui de l’époque actuelle. Néanmoins, cet accroissement est surtout le fait de l’apparition, sur le territoire régional, d’espèces liées à des habitats rudéraux ou dégradés, dont l’aire de répartition s’étend de manière considérable à la faveur des déplacements des populations et des marchandises ou qui ne s’observent que de façon sporadique, à l’état d’adventice. Cette flore n’a donc rien de représentative des conditions naturelles, elle est avant tout ubiquiste et plutôt cosmopolite. Il n’est pas question de jeter l’opprobre sur des plantes qui bien souvent représentent les ultimes touffes de verdure de ces espaces malmenés. Mais leur importance croissante doit cependant nous faire prendre conscience de l’état de banalisation de ces espaces et de son corollaire, qui est la disparition d’espèces végétales aux exigences écologiques plus strictes. Il importe donc d’opposer au concept de biodiversité celui de représentativité vis-à-vis des conditions environnementales d’une région, pour appréhender la richesse et l’état de conservation du patrimoine végétal sauvage d’un territoire donné. Quelques cas particuliers d’espèces végétales jusque-là rares ou absentes de la région et qui semblent s’installer dans le Nord - Pas de Calais sont cependant à signaler. L’Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis) est une orchidée thermophile qui semble ainsi s’étendre vers le Nord, notamment le long du littoral. Mais en même temps, le Crambe maritime (Crambe maritima) paraît plus fréquent sur nos côtes qu’il y a une vingtaine d’année bien qu’il s’agisse d’une plante des côtes d’Europe du Nord ! Il est donc difficile d’imputer ces changements constatés sur une période de 10 à 15 ans à un possible effet du réchauffement climatique mais il est certain que la flore que nous avons sous les yeux évolue sans cesse. Les objectifs des politiques de conservation et de protection de la flore doivent donc être abordés avec circonspection et être capables de s’adapter à ces changements. L’objectif de la conservation du patrimoine floristique n’est pas de fixer une fois pour toutes la liste des plantes d’une région mais d’éviter à des plantes menacées par les activités humaines de disparaître dès lors que les conditions écologiques qu’elles requièrent se rencontrent naturellement dans cette région et que la fonctionnalité de leurs habitats n’est pas altérée ou peut être facilement rétablie.

Des gestionnaires pour les espaces naturels

Si le mouvement de fond de disparition de la flore sauvage auquel on assiste se poursuit indéniablement, des efforts significatifs ont cependant été accomplis dans le Nord - Pas de Calais depuis maintenant une vingtaine d’années. En effet, s’il existait bel et bien des espaces protégés dans la région à la fin des années 1980, la gestion écologique et plus encore la restauration écologique en étaient encore à leurs balbutiements ! document. Aujourd’hui, non seulement le nombre de sites préservés s’est accru, mais la gestion des espaces naturels est devenue incontournable. Qu’il s’agisse des collectivités territoriales et locales, des associations ou des établissements publics, tous ont mis en place des mesures de gestion des milieux naturels afin de pérenniser les conditions de vie des espèces végétales (et animales) les plus caractéristiques des sites concernés dans leur habitat naturel. Reste qu’en 2001 (HENDOUX et al.) 34 % des taxons menacés de la flore régionale n’étaient pas concernés par une mesure de protection des sites dans lesquels ils subsistent et que près de la moitié ne bénéficie pas de mesures de gestion à l’échelle du site, de l’habitat ou de l’espèce elle-même. Si ce bilan, en cours d’actualisation, est sans doute plus positif aujourd’hui, des progrès importants restent à accomplir mais la voie est désormais tracée.

En revanche, la situation est peut-être plus préoccupante à long terme pour les espèces végétales en voie de raréfaction mais dont la répartition régionale actuelle, masque l’effondrement des populations. Ainsi, combien de populations d’espèces végétales toujours répandues dans la région sont-elles réduites à quelques individus ? Ces espèces, qui ne figurent pas dans la présente édition y seront-elles demain ? Même si le guide des espèces végétales protégées et menacées focalise son attention sur les plus rares, il ne faut pas perdre de vue qu’une autre partie de la flore régionale est en régression constante. Or, si l’on peut circonscrire les menaces qui pèsent sur les ultimes individus d’une population d’un endroit bien déterminé, il est plus compliqué d’agir à grande échelle et de manière plus globale, ce qui suppose des changements importants en matière de gestion des territoires comme par exemple de modifier les pratiques actuelles d’entretien des bords de route par gyrobroyage ou de pratiquer une agriculture moins polluante pour les milieux naturels.

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