Un Genévrier de 2 m de circonférence dans le « désert » d’Ermenonville cher à Jean-Jacques ROUSSEAU

le 08 fév 2021
Carte postale ancienne du XVIIIe siècle : gravure du « Désert d’Ermenonville » et de la « cabane de JJ. ROUSSEAU ».

En Hauts-de-France, tous les botanistes et une bonne partie du grand public connaissent le Genévrier (Juniperus communis) pour de nombreuses raisons :

  • C’est un des rares conifères autochtones de la région,
  • Les fruits servent à fabriquer le Genièvre, boisson nationale des Hauts-de-France,
  • Rare et menacé, il est protégé par la loi en Nord - Pas-de-Calais,
  • Il est l’emblème des larris ou savarts pâturés par les ovins, caprins ou bovins,
  • Ses formes menhiroïdes l’ont fait surnommer le « mégalithe végétal »,
  • les Gourmands mettent ses baies mûres dans la Choucroute…

La plupart du temps, les botanistes et les amoureux des larris associent le Génévrier aux terrains calcaires: il est réputé calcicole strict. Mais on aurait tort de le voir comme une espèce uniquement calcicole. De la même façon que la Germandrée scorodoine (Teucrium scorodonia) ou le Houx (Ilex aquifolium) réputés acidiclines peuvent pousser, chez nous, les racines dans la craie, Juniperus communis se plait parfois à croître dans du sable acide, au milieu des Callunes et Bruyères cendrées.

On en trouve en effet quelques individus épars dans le Sud de l’Aisne ou de l’Oise en quelques « déserts » sablo-gréseux acides, au milieu des Callunes. C’est entre autre le cas de la « Hottée du Diable » à Coincy-l’Abbaye (02) :

genévier R. François
Genévrier dans la lande à Callune de Coincy-l’Abbaye (Tardenois, 02). R. FRANÇOIS.

Mais il en est un qui a disparu, et qui était peut-être le plus exceptionnel de toute la région. Il s’étalait avec des dizaines de congénères au milieu du « Désert d’Ermenonville » cher au botaniste philosophe Jean-Jacques ROUSSEAU. Cette grande figure de la botanique et de la philosophie du siècle des Lumières passe en 1778 les dernières semaines de sa vie à Ermenonville, où il fut enterré. Il aimait passer de longues journées à rêver et herboriser dans ce désert d’Ermenonville. Sur ses traces, le savant et écrivain Arsène THIÉBAUT de BERNEAUD a rédigé de très beaux textes dans « Voyage à Ermenonville » (1826).

Ancien militaire devenu amoureux des sciences, notamment de la flore et de l’agronomie, secrétaire perpétuel de la Société Linnéenne de Paris et membre de l’Institut de France, il y décrit les paysages du « désert » et ses Genévriers étonnants. :

« Je ne quittais une vallée de sable et de bruyères où réside la seule mélancolie, que pour atteindre à de hauts rochers noircis par les tempêtes (…). Partout, sur ce sol rocailleux, au bruit de mes pas, le lapin timide fuyait sous la fougère (…). Enfin, je touche à une cabane ; c'est celle où ROUSSEAU aimait à passer des journées entières. Elle est taillée dans une énorme masse de grès, sur le lieu le plus élevé du Désert (…). De là l'œil plane sur un vaste amphithéâtre où la nature se montre sous les formes les plus austères. Le silence règne autour de vous. Les montagnes, la sombre teinte des pins (…), qui ne sont jamais égayés par des fleurs ; les collines couvertes de Genévriers dont les rameaux buissonneux 1 s'élèvent, rampent, se courbent en tous sens et exhalent une odeur résineuse ; le front entièrement nu des rochers ; ces longues zones de tristes bruyères (…).

1 : « JEN AI DISTINGUÉ UN AYANT DEUX METRES DE TOUR, ce qui est très extraordinaire pour un arbrisseau qui talle en buissons. Les genévriers d’Ermenonville présentent tous des formes heureuses, variées et pittoresques ; nulle part ils ne sont plus beaux, ni en plus grand nombre ».

 

Nous avons du mal à imaginer aujourd’hui ce que peut être un Genévrier de 2 m de circonférence !

Nous ne désespérons pas de dénicher un jour des dessins ou des photos montrant cet exceptionnel Genévrier, très certainement vieux de plusieurs siècles.

 

Texte : Rémi FRANÇOIS

Image vignette : Carte postale ancienne du XVIIIe siècle : gravure du « Désert d’Ermenonville » et de la « cabane de JJ. ROUSSEAU ».